Articles les plus consultés

jeudi 4 septembre 2014

" Une joie douloureuse "

 
L'arrivée en voiture des responsables FFI et du commandement allié devant la mairie, le 6 septembre 1944. - (Jean Brault, reproduction Guy Armand)
Il y a soixante-dix ans, la ville était libérée. Historienne du Centre châtelleraudais d’histoire et d’archives, Marie-Claude Albert évoque ce moment.
Comment s'inscrit la libération de Châtellerault dans celle de la région et de la France ?
Marie-Claude Albert : « Elle est postérieure à celle de la capitale qui date du 25 août et antérieure à celle de Poitiers qui a lieu le lendemain. Ce qui a sans doute permis d'anticiper la libération de Châtellerault, c'est la négociation qui a eu lieu. Dès le 26 août, les autorités allemandes ont commencé à quitter la ville. »
La présence allemande était-elle importante à Châtellerault ?
« Très importante et de plus en plus au fil du conflit. Au départ, il y avait 3.000 soldats ce qui était beaucoup pour une ville de 20.000 habitants. Dès le début 44, une division SS s'installe, extrêmement dure, qui a perpétré des massacres violents à Châtellerault mais aussi en Touraine, comme à Maillé. »
 " La négociation a duré 30 heures. Tous les ponts étaient minés. "
Sans la négociation, la libération de Châtellerault aurait-elle eu lieu par les résistants ?
« Les maquis étaient dynamiques, notamment ceux du sud Vienne qui sont remontés vesr le nord. Le maquis Cram est à Ingrandes, le maquis Jacky du côté de La Roche-Posay et surtout le plus important le maquis Lagardère. Les maquis avaient préparé la libération au cas où la négociation échouerait. »
On cite beaucoup le rôle du sous-préfet Wiltzer, est-ce exagéré ?
« C'est partagé. Il faut toujours avoir de la distance comme avec tout mythe. En fait, il y a trois acteurs importants. Le sous-préfet Marcel Wiltzer, les chefs du maquis qui ont respecté la règle, et le commissaire de police Charles-Marcel Bichat, lui-même résistant. C'est lui qui a trouvé un général allemand à Dangé pour servir de négociateur et qui a transporté des blessés allemands à Châtellerault, ce qui a facilité la négociation. »
Une négociation difficile…
« Elle a duré trente heures. Tous les ponts avaient été minés et ceux de Loudun et de la Gornière ont sauté. Mais le pont Henri-IV et le Pont Neuf ont été sauvés. »
La ville retrouve son maire Louis Ripault le 6 septembre. Comment se passe l'épuration ?
« Comme partout il y a eu des règlements de compte dès le lendemain : des femmes ont été tondues, des collabos présentés à la vindicte sur le boulevard Blossac, mais cela a été très vite contenu par les autorités locales et départementales. René Savatier, président du Comité départemental de Libération, et Jean Schuller, commissaire de la République, ont joué un grand rôle. On est vite passé à l'épuration légale avec un premier procès dès décembre 44, celui du directeur de la Manu. »
La libération, c'était un moment heureux ?
« C'était une joie douloureuse car près de mille Châtelleraudais ne sont pas rentrés, prisonniers de guerre, STO, ou déportés. Ils ne reviendront, pour ceux qui reviennent, qu'au mois d'avril 1945. Il y a beaucoup de cérémonies funéraires dans le sillage de la Libération. Le 10 novembre, des résistants rapatrient les corps d'exécutés enterrés à Biard, Buxerolles ou Fontaine-le-Comte. C'est d'ailleurs cette part douloureuse qui sera mise en avant lors d'une exposition qui sera inaugurée le 9 octobre. »
chronologie de la libération
25 août 1944 : Quatre Châtelleraudais fusillés dans la cour du collège de jeunes filles (futur lycée Berthelot), le même jour que le massacre de Maillé et le lendemain des exécutions de maquisards à Ingrandes.
26 au 30 août : départ des services allemands de la Kommandantur et des troupes d'occupation de la ville après avoir miné les quatre ponts de la ville (celui d'Ozon, de Loudun, le Pont Neuf et le pont Henri-IV)
30 août : explosions à la manufacture ; explosion des ponts de chemin de fer de Loudun et de la Gornière ; décision de négocier le sauvetage des autres ponts dont le pont Henri-IV : le sous-préfet Marcel Wiltzer, le premier adjoint au maire, le directeur de la Défense passive, le commissaire de police.
31 août-1er sept : longues négociations du sous-préfet Marcel Wiltzer avec un officier allemand (Tafel).
1er septembre : 5 heures du matin, l'ordre allemand de ne pas faire sauter le pont Henri-IV est signé par le général Reinhardt. Les ponts et la ville sont entre les mains des autorités locales.
3-4 septembre : les maquis concentrés à la Manu à partir du 1er septembre ont reçu l'ordre de ne pas intervenir lors du passage du dernier convoi dans la nuit afin d'éviter toutes représailles.
4 septembre : la ville est libérée sans combat. Du 4 au 7 septembre les FFI s'installent dans les lieux stratégiques libérés par l'Occupant (mairie, caserne Delâage…)
6 septembre : le maire élu, Louis Ripault, révoqué en 1941, est réinstallé dans ses fonctions à la tête du conseil municipal de Libération. Il prononce le discours de libération du haut du balcon de l'Hôtel de ville.
7 septembre : le chef départemental des FFI, le général Chêne, alias colonel Bernard, est reçu à Châtellerault avec le délégué britannique Samuel, l'Américain Lewis et le président du Comité départemental de libération, René Savatier. Ils sont acclamés par la foule sur le boulevard Blossac puis à la Manufacture.
Réalisé avec le concours de Marie-Claude Albert (extrait de l'ouvrage Châtellerault sous l'Occupation, Geste éditions, 2005)
Propos recueillis par Laurent Gaudens

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire