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mardi 27 janvier 2015

" Il y a beaucoup de pantins qu'on articule pour nous isoler "

« Les extrémistes ne représentent pas la majorité des musulmans mais ils font partie de cette famille. »
Le slameur châtelleraudais Lhomé a pris des positions sur les réseaux sociaux pas toujours bien comprises suite aux attentats de Paris. Il s’explique.
Le 7 janvier, comment avez-vous appris la nouvelle des attentats ?
« J'étais en atelier d'écriture, à Secondigny dans les Deux-Sèvres. A la pause, mon téléphone a bipé. C'était le message d'une amie qui parlait de Charlie Hebdo, qu'elle était choquée, en deuil. Et puis, j'ai appris. »
Comment avez-vous réagi ?
« Ma première réaction, j'ai eu mal au cœur. J'ai surtout pensé que quelque chose de grave venait de se passer. De par ma double origine, le Togo avec la dictature et le Liban avec la guerre, je sais que rien ne justifie un meurtre. »
La marche du dimanche, vous y avez pris part ?
« J'étais à Châtellerault, les deux imams sont intervenus et ont été chaleureusement applaudis. J'ai beaucoup d'amis musulmans même si je suis chrétien. Pour moi, c'était plus une marche de deuil plutôt qu'une marche " Je suis Charlie ". J'ai marché également pour les enfants de Palestine cet été, c'était la même démarche. »
 " Il ne faut pas rester dans le déni mais que chacun reconnaisse sa part de dysfonctionnement "Le même jour, vous avez écrit sur un Facebook un texte assez virulent. Dans quel but ?
« C'était à la suite d'échanges avec Ibrahim Abdelsadok, d'Ultime espoir, avec qui je travaille (1). J'étais surpris par plusieurs de ses messages. Je trouvais que l'humour n'était pas très approprié. J'étais agacé par certains messages, le but n'était pas de faire le consensus. Beaucoup ont été surpris de la façon dont je prenais la parole. »
Vous y contrez certains discours, comme celui de dire que les terroristes n'étaient pas de vrais musulmans en affirmant le contraire ?
« C'est important de connaître sa part d'ombre. Les extrémistes ne représentent pas la majorité des musulmans mais ils font partie de cette famille comme l'Opus Dei fait partie de l'église. Les frères Kouachi allaient à la mosquée, mangeaient, s'habillaient, vivaient comme des musulmans. Il ne faut pas rester dans le déni, mais que chacun reconnaisse sa part de dysfonctionnement. »
Que pensez-vous des caricatures publiées par Charlie Hebdo ?
« Je crois qu'ils ne se rendent pas compte des incidences qu'elles peuvent avoir sur les chrétiens du monde arabe. C'est bien de taper sur les extrémismes, mais sur tous, comme le fait Dieudonné, même si je ne partage pas toutes ses positions. Il faut comprendre comment c'est reçu dans le monde arabe. Je ne suis pas Charlie car il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas jouer. »
Et la liberté d'expression ?
« Dans la limite du respect. Est-ce que " Durafour crématoire " (2) c'était de la liberté d'expression ? »
Donc, vous ne soutenez pas Charlie Hebdo ?
« J'ai été touché par la mort de personnes qu'on a tuées pour leurs idées. Je déteste les propos du FN, je n'aime pas leur France blanche et les Français d'abord, mais je ne souhaite pas leur mort. »
Quel est l'avenir de la France ?
« Je ne suis pas optimiste. Il y a beaucoup de pantins qu'on articule pour nous isoler, nous séparer. Le jour où on n'aura que des amis qui nous ressemblent, il faudra s'inquiéter. La France est un des rares pays qui réussit la mixité. Mais aujourd'hui, le seul lien, c'est la consommation. Mais ce n'est qu'une attelle sur une jambe cassée alors qu'il faudrait un plâtre. »
Vous craignez d'autres attentats ?
« C'est possible. Les attentas de Paris n'étaient pas un acte de folie. C'était organisé, planifié. Il y a un réseau derrière, une organisation. »
Quelles sont les solutions ?
« On combattra les extrémistes quand on s'occupera des plus pauvres. Quand mettra-t-on des moyens dans les quartiers, pas seulement sur les murs, mais en profondeur jusque dans la cellule familiale. Il y a de plus en plus de monologues, c'est ce que j'ai retrouvé sur Facebook. Il faut accepter de voir ce qui dysfonctionne et l'école ne peut pas tout porter. Il y a la famille, les bailleurs sociaux, l'État. Je suis inquiet car il y aura d'autres victimes. Il faut tous prendre nos responsabilités, à commencer par les artistes. Ce que tu chantes et le reflet de ton cœur et il y a des rappeurs qui doivent sonder leur cœur. »
En effet, ce n'est pas très optimiste…
« Qu'est-ce qu'on fera quand on aura perdu la confiance de son voisin ? Qu'est-ce qu'il nous restera ? Moi, je crois en un nous. Mais qui tirera les ficelles ? C'est la question que je me pose en tant que citoyen et artiste. »
 (1) Membre du groupe Ultime espoir, Ibrahim Abdelsadok a publié une vidéo sur Facebook commentant les attentats, vue à plus de 600.000 fois. Nous l'avions invité lors de cet échange mais il n'a pas pu se libérer. (2) Allusion au jeu de mots fait en 1988 par Jean-Marie Le Pen sur l'homme politique Michel Durafour.

VIDEO. Châtellerault : Lhomé, après Charlie... par lanouvellerepublique
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Originaire du Togo, d'un père Libanais, Lhomé, alias Julien Laba, a fait ses premières armes musicales à Poitiers au sein de Slave Farm. En 2011, engagé dans une carrière solo, il crée Cinématik slam, un spectacle qui allie slam et langue des signes dans un univers de musique de film. Son premier album « L'Ombre d'un amour » est sorti en juin 2012. Il anime depuis 2003 des ateliers d'écriture. Il écrit actuellement son prochain album. Agé de 39 ans, marié, père de trois enfants, il habite le quartier de Châteauneuf après avoir grandi dans celui d'Ozon.

La vidéo d'Ibrahim Abdelsadok du groupe " Ultime Espoir ", publiée au lendemain des attentats





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