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dimanche 22 février 2015

" Je crois qu'on les a abattues pour rien "

 
Dans le bâtiment vide, là où vivaient autrefois les chèvres de Samuel Gouin. - dr
Le nouveau cas de tremblante caprine dans les Deux-Sèvres rappelle de mauvais souvenirs à Samuel Gouin. A Sillars, son cheptel y est passé deux fois.
Là, il y avait des chèvres partout. Ici, c'était la salle de traite. A côté la laiterie. Hier, au lendemain de l'annonce d'un nouveau cas de tremblante caprine à Rom dans les Deux-Sèvres, Samuel Gouin nous a reçus dans sa ferme à Sillars. Dans ce qu'il en reste, plus précisément. « Ici, j'ai démantelé un bâtiment pour les chevrettesil y a un mois. »
Cinq ans après avoir vu son dernier troupeau abattu, Samuel Gouin a décidé de parler pour la première fois. Pour témoigner. Pour dire aussi que rien n'est résolu, que la douleur est toujours présente.
Et pourtant, l'abattage d'un troupeau Samuel Gouin aurait pu s'y faire. Il était tout jeune quand ses parents ont dû se séparer de leurs vaches dans les années 80 pour cause de tuberculose et de brucellose.
C'est de ce moment que date la reconversion dans l'élevage caprin. Le premier coup de massue arrive fin 2002-début 2003 : à l'abattoir, la tremblante est détectée sur une chèvre. « On a pu continuer de produire du lait pendant quelques mois. » En 2004, les 240 chèvres et une centaine de brebis partent pour l'abattoir.
Petit à petit, Samuel Gouin reconstruit son cheptel, se consacre totalement aux chèvres en 2007 et atteint le seuil de 400 têtes avec une production de 1.050 l/an et par animal. Mais, début janvier 2010, la direction des services vétérinaires débarque dans la ferme. « J'ai su aussitôt ce qu'il y avait, se souvient-il. Quand ils arrivent à trois, sans téléphoner, c'est qu'il y a quelque chose de grave. »
Et puis, tout va très vite. Le 1er mars, au petit matin, les camions s'alignent dans la cour. « Elles ne voulaient pas monter. On aurait dit qu'elles savaient où elles allaient. » Alors, Samuel a aidé ses animaux à monter dans les camions. Et le grand gaillard de 42 ans en a encore les larmes aux yeux d'avoir trahi ses protégées. « La première fois, j' n'avais pas aidé. Mais je voulais qu'elles montent tranquillement, qu'on ne leur fasse pas de mal. Mais ça ne s'est pas bien passé. »
Et enfin, le retour dans ces bâtiments tout vide, définitivement silencieux. Terrible. Depuis, il les démonte. Pour tourner la page. « Les animaux, c'est terminé. Le prion (1), on ne s'en débarrasse pas. Il était resté après la première fois, il est toujours là. »
" La tremblante, ça existe depuis 400 ans, c'est sans danger pour l'homme "
Samuel s'est lancé dans la culture. Sans grand succès. « Les terres, ici, sont faites pour l'élevage. » Cinq ans après, il ne sait pas encore comment il pourra durablement faire vivre sa femme et ses enfants. « Les indemnisations, c'est bien pour vivre l'année d'après. Mais ça ne suffit pas. Ça ne répare pas ce qui s'est passé. » Et qui n'est toujours pas passé. « La tremblante, ça existe depuis 400 ans, c'est sans danger pour l'homme. Ça n'a servi à rien tout ça. Je crois qu'on les a abattues pour rien. »
(1) agent de transmission de la tremblante caprine.
Laurent Gaudens

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